J'arrive à Berville sur Seine, le bac est en cours de débarquement à Duclair, ce qui me laisse le temps d'aller boire un café à la brasserie qui ne fait pas brasserie, mais qui fait café et plein d'autres choses dans la joie et la bonne humeur. Juste le temps de siroter mon petit noir, de feuilleter le Liberté qui est en fait un P Normandie édulcoré dans la mesure du possible, le bac 21 se présente à Berville. Je file dans ma charrette et attends l'embarquement, calé dans mon siège, à l'abri du froid, 14°C un 30 mai, c'est frisquet d'autant que j'ai déjà endossé les frusques estivales. Le temps passe et rien ne se passe, pas d'embarquement, certains automobilistes sortent de leur voiture pour aller aux nouvelles, aucun accès n'est autorisé. Les marins installent des lances à incendie et arrosent le pont, le chef les regarde faire, car un chef c'est fait pour regarder et c'est même à çà qu'on les reconnait, le mécano de bord est sur le pont, il n'est pas à sa place sur le pont mais il fait comme le chef, il regarde imaginant qu'un jour lui aussi sera chef. Peut-être des traces d'huile ou de mazout à effacer mais aucune explication ne viendra à nos oreilles, ici le chef ne donne aucune consigne pour informer les passagers, le chef regarde, il n'est pas là pour informer les passagers, ce n'est pas un problème de chef, ça. Enfin le chef regagne la timonerie, il est fier, le chef, il est le capitaine, non le commandant, le bosco, mais non il est le pacha ! D'ailleurs le pacha a un beau pull marin bleu marine, ça prouve bien qu'il est le pacha. Le bac repart avec un peu de retard.
Virée duclairoise effectuée, je retourne à l'embarcadère où une longue file d'attente m'attend, je prends la queue comme tout le monde, quand la file est pleine, une deuxième file se met en place, l'habitude quoi.
Le bac déchargé, la première file avance quand un resquilleur de la deuxième file tente de forcer le passage, à grands coups de klaxon les conducteurs de la première file marquent leur désapprobation, enfin tout le monde s'installe sur le bac sous l'autorité des marins eux même sous l'autorité du pacha. Tout semble calme jusqu'au moment ou je vois deux conducteurs sortir de leur véhicule pour donner au resquilleur quelques éléments de bonne conduite, ce dernier, pour seule réponse leur sort une bordée d'injures d'une telle vulgarité que la décence ne me permets pas de les reproduire ici. Il va même jusquà justifier son comportement par sa maladie, la sclérose en plaques... Les deux conducteurs voyant qu'il n'y a rien à expliquer, regagnent leur véhicule sous les injures et les menaces physiques.
Je comprends que la sclérose en plaques, comme beaucoup d'autres maladies, en dehors des différentes souffrances déjà inadmissibles puissent provoquer des sautes d'humeur mais depuis quand la sclérose en plaques autoriserait-elle de tels comportements, surtout au volant d'une voiture, ne peut-on s'attendre au pire ?
Heureusement que tous les malades de SEP ou autres maladies, je pense ici au cancer et au sida notamment, n'ont pas ce type de comportement et surtout s'ils se savent irritables, ils prennent la précaution de ne pas avoir d'arme à portée de main or la voiture mal utilisée est une arme également.
Si j'admets volontiers que cet homme a au moins une circonstance atténuante, je n'en donne aucune à son entourage qui n'intervient à aucun moment pour lui retirer le volant, il y avait quatre personnes dans le véhicule...
Ouf, nous sommes arrivés à Berville et je file au marché d'Anneville